La nav prévue était assez « simple » : aller aux Scilly. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un petit archipel au sud-ouest de la Cornouaille (donc en Angleterre), 30 km après Lands End (pointe sud-ouest de l’Angleterre qui porte bien son nom). La nav est simple car c’est « tout droit », y’a pas de route IFR ou autre. Comme pas mal de terrains en Angleterre, c’est PPR (autorisation) obligatoire, j’avais donc appelé 2 jours avant pour obtenir l’autorisation.
Le vol se fait en juin, on se dit qu’en IFR on a de bonne chance (voir presque 100 % de chance) de pouvoir faire la navigation le jour « J ». Et bien rien du tout. Pas de TAF aux Scilly, le METAR arrive quand le contrôleur ouvre le terrain et donne cela :
EGHE 220650Z 26020KT 1800 -RA BR FEW000 SCT001 BKN002 14/14 Q1014
Bref, un METAR bien accord avec la première TEMSI :
Ouppppssssss … C’est vrai que pour ma première nav IFR j’aurais préféré éviter le grand CAVOK … Mais là, ça va être un peu “chaud”. Surtout qu’aux Scilly les seules approches qui existent sont des approches NDB (donc peu précises). Les minimas sont, en gros, à 400 ft sol avec 1500 à 2000m de visi selon la piste.
Alors oui, je sais bien que l’étude de l’accessibilité de la destination en aviation générale n’est pas « règlementaire », mais ça c’est bien quand on n’a rien à faire de prévu à la destination. Quand on veut y aller, c’est mieux de savoir si on peut s’y poser ou pas.
Dans le doute, et je l’avais lu sur le site web, j’appelle le contrôleur pour lui demander son avis : il connaît bien ses petites îles et va savoir si ça peut passer ou pas. Je vous le fait en résumé :
« we don’t have so many hills, there are not very high, but I don’t see their top and by the way I don’t see them at all » Understood! que je lui répond et je lui dit que j’annule mon vol et que ce sera pour la prochaine fois car je ne peux pas décoller plus tard après que le front soit passé car il me faut arriver tôt.
Et oui, j’allais aux Scilly pour kiter avec un ami ! Donc pas possible de retarder le départ (car on devait prendre ensuite un bateau pour aller sur une autre île de l’archipel…). Il faut donc vite trouver une autre destination…
Jersey a l’air vraiment bien : d’un point de vue avion, il fait un peu meilleurs (entre BKN 005 et BKN 003 avec entre 2000 et 5000 m de visi) et surtout y’a un ILS ce qui me permet de descendre plus bas.
D’un point de vue kite, y’a du vent et y’a un spot à env. 4 km de l’aéroport avec du « flat » (plan d’eau plat). Allez, hop on ira à Jersey.
Plan de vol au BRIA, NOTAM et le GAR (General Aviation Report, dire aux Anglais qu’on arrive les envahir) peut être fait la bas … En 45 min tout est prêt, on a plus qu’à charger l’avion (qui sera bien plein…).
Je m’installe à gauche et je mets en route. Pas de problème de reset GPS à faire cause grand froid, mais une alarme qui sonne en continue, j’avais vu le truc en formation, faut juste re-déclencher une alarme pour l’enlever. Entrebâillement de la porte moteur en-route et c’est bon.
Je demande la mise en route technique du plan de vol, c’est bon les contrôleurs ont tout. Je peux commencer à m’amuser avec le G1000 et tout régler : les fréquences VHF et radio nav, un peu d’identification de NDB et de DME s’il faut rentrer juste après le départ, la SID et la route jusqu’à LERAK qui sera mon point d’arrivée à Jersey.
La clearance départ est simple : OMNI BETUV, 4000ft, 5277(alors que j’avais prévu une BETUV 6W). Je mets à jour le plan de vol du G1000.
Roulage, essai moteur, décollage et on passe rapidement avec Landivisiau. La mon omni BETUV se retransforme en BETUV 6W … Ah ils sont joueurs ces contrôleurs, heureusement que le G1000 sait bien gérer cela 😉
Vers 3000 ft je rentre dans la couche ! « Magique » … Mais à droite y’a plus d’instructeur, faut assurer ! Reflexe : on regarde la température extérieur. On est à +10°, tout va bien. De toute façon il n’y avait pas de givrage prévu à notre altitude de croisière FL70 (à partir du FL100) mais cela pourrait arriver sur la fin du trajet (mais comme on sera plus tard que l’heure (donc température qui augmente) et déjà en descente, cela ne devrait pas être un problème).
Assez rapidement le contrôleur nous donne un direct LERAK et cela permet d’avoir une composante arrière de vent assez intéressante.
Dès que je suis au FL70 je prépare l’arrivée. Je prends l’ATIS de Jersey et comme le METAR l’annonçait et les TAF le prévoyait il y a 500 ft de plafond et 5000 m de visi avec passagèrement des grains, donc 300 ft de plafond et 3000m de visi. Le vent est dans l’axe pour une vingtaine de nœuds.
Depuis le départ on est IMC. A de très rare occasion on voit un bout de mer …
Dès que Landivisiau nous transfère à ses collègues de Jersey, on est pris en guidage radar. Là c’est facile … Il m’annonce la distance au seuil pour l’interception du localizer et moi je n’ai qu’à prévoir ma descente. Pas de différence entre le 1013 et le QNH (ou alors 1 pauvre hPa) donc c’est encore plus simple. Dans la descente, la vitesse sol commence à devenir sympathique.
Malgré le mauvais temps y’a un peu de monde sur la fréquence et je sens bien que mon petit avion qui va se retrouver entre 70 et 80 kts sol sur son axe d’approche l’ennui un peu … Mais on est à peine rallongé de la trajectoire la plus directe et le virage de base arrive. J’étais sous pilote automatique depuis 2000 ft dans la montée à Brest, je reprends en manuel car sinon autant rester sous Flight Simulator 😉
Un dernier cap d’interception et on est autorisé ILS.
Le LOC devient actif, le glide est toujours en haut c’est parfait.
Interception du LOC, le glide arrive, je m’annonce LOC intercepté et je passe avec la tour. Y’a un avion en train de poser et rapidement après je suis autorisé atterrissage.
Comme prévu l’ILS est un peu long avec mes 75 kts sol. Je garde 90 kts indiqué, de toute façon la piste est énorme et j’ai 20 kts de face…
Les minimas sont à 471ft (soit 200 ft de hauteur), je m’attends donc à voir la piste vu la météo annoncée. Le suivi de l’ILS est pas mal du tout après 4 mois sans IFR, et vers 600 ft QNH on commence à voir la rampe.
A 550 ft toute la piste est en vue, c’est Roissy : la rampe, les lumières de pistes, … j’espère que cela ne vas pas me couter 50 £ de balisage 😉
Posé en douceur et je roule vers le club. J’étais ici il y a 4 mois pour ma formation donc je connais ! Attention à l’entrée dans zone « club » car au vu de notre envergure faudrait pas taper quelques chose…
1h10 après être parti du parking de Brest nous voilà à Jersey.
Déchargement du matos de kite, on va au club, puis à pied au terminal (petite trotte avec le sac de kite, la planche, la combinaison, le harnais, …) et là on voit comment se rendre au spot.
Location de voiture : 60 £ … Pour moins de 10 km c’est cher… Taxi, on nous annonce 40£ l’aller (ouch), mais après 10 min d’attente un chauffeur qui va vers les hôtels nous propose de nous emmener pour 10 €. Banko c’est partit et nous voilà à l’ouest sur la plage de la Braye.
Heureusement qu’un resto est là, car il pleut et il y’a trop de vent pour nos ailes trop grande… On ne pensait pas qu’il serait aussi fort (25 kts…). Donc on mange (encore un « $ 100 burger », on se réchauffe, on attend, … Y’a le WIFI gratuit donc je regarde le radar des pluies pour voir la fin du passage du front. Et vers 15h00 ça se dégage comme prévu et on peut kiter ! Voila une photo panoramique du spot (on était à gauche dans une sorte de lagune).
Après l’une de mes meilleures sessions de kite (super plan d’eau entourant la marée basse de 2/3 heures) il faut rentrer car on ne sait pas comment on rentre à l’aéroport (4 km en montée … à pied c’est galère) et le club ferme à 19h00. Après on n’accède plus à l’avion.
Retour au restaurant qui nous appelle un taxi qui après négociation arrive dans 20 minutes qui sont en fait 35 minutes. Mais le prix par contre est très raisonnable : 8 £ (enfin pour 4 km …).
Chemin inverse, je vais poser mon plan de vol. On rentre directement son plan de vol dans la machine et quelques secondes plus tard, magie, on apparait dans la liste des départs de l’aéroport !
Ensuite on paye la taxe qui est celle de « d’habitude » (cad dans les 13 £). Pas de balisage en plus !
La météo au retour est très bonne pour de l’IFR. Etude particulière de la carte des vents pour trouver la meilleure altitude, et 4000 ft est l’idéal : on aura le vent plein travers. C’est rare d’être gagnant avec les vents sur un aller / retour !
Prévol et chargement de l’avion. Heureusement qu’on est que deux …
Et c’est repartit pour préparer le vol dans le G1000. Clearance de départ et c’est partit pour le décollage en 26. On va même survoler le spot de kite !
Vers 2000 ft j’ai le droit à une directe BODIL (qui est mon IAF à Brest), merci les contrôleurs et vive l’IFR. On ne peut pas faire beaucoup plus court…
Le retour est quasiment fait entièrement en VMC, mais on a quelques nuages quand on rentre sur les terres, on survole l’archipel de Bréhat et la côte nord de la Bretagne. C’est presque mieux qu’il fasse plutôt beau car on a eu quelques soucis de pilote automatique au retour …
Puis ILS 25 L à Brest, facile, il fait grand beau (3 heures avant c’était 4000 m de visi et OVC 004), je garde la puissance pour être stable qu’à 500 ft et le retour se fait en 1 heure « bloc – bloc ».
Vidéo des meilleurs moments du retour (ayant perdu les rush de l’aller … dégouté ;-(
Au final cette première nav IFR était vraiment super ! Pas de vidéo de tout le vol car j’ai perdu la carte SD de la Go Pro… Mais quelques plans du retour avec la seconde Go Pro. Ce sera pour la prochaine fois 😉 Aux Scilly peut-être …
Beau récit, par curiosité, t’as pris quoi comme routes dans les deux sens ?
Bonjour,
Merci. Alors de mémoire la route déposée à l’aller est BETUV DCT LEKARK au FL70.
Et au retour LERAK G27 BADUR T120 ANLEV au FL60.
Mais j’ai eu des directes en vol 😉
Antoine
Très sympa comme récit.
Pour un premier vol IFR depuis ton test, la météo n’était pas très clémente! Dommage que la vidéo ne soit pas dispo.
Well done,
Alex